Prolégomènes
Rappelons aux non initiés que les textes qui vont suivre sont l'oeuvre de thaumaturges débutants ou confirmés qui se plaisent à hanter mon blog à la fin de chaque mois.
Ils sont rédigés en respectant un certain nombre de contraintes formelles que je vais rappeler ici pour ceux qui n'auraient pas le temps d'aller voir la rubrique TRANSMUTATION du blog.
La transmutation classique consiste à transformer un mot donné en un autre mot en ne modifiant qu'une seule lettre de ce mot, les autres lettres restant à leur place. Ainsi LAPIN peut se transformer en TAPIN, LOPIN, LUPIN, LAPON, mais pas en ALPIN (c'est une anagramme).
Le procédé est simple, mais le but à atteindre l'est moins : il consiste en la transformation d'un mot donné en un autre mot donné, ceci en autant d'intermédiaires que l'on veut. On peut rechercher la performance technique et privilégier les transmutations éclair qui font souvent appel à des mots peu courants. On peut, au contraire, rechercher des effets, des rapprochements insolites, incongrus, poétiques, érotiques, bucoliques, esthétiques, pathétiques ... j'en passe et des meilleurs.
On peut transmuter en vers ou en prose, placer le mot où l'on veut dans la phrase, il suffit de respecter l'ordre. Vous l'avez compris, mises à part les contraintes énoncées plus haut (en rouge), vous pénétrez dans un espace de liberté totale.
La transmutation de deuxième génération consiste à autoriser l'adjonction d'une lettre initiale ou finale à un ou plusieurs mots d'une transmutation classique, et/ou la suppression de la lettre initiale ou finale d'un ou plusieurs mots d'une transmutation classique.
J'espère n'avoir pas été trop long tout en essayant d'être clair. Maintenant je laisse la place aux thaumaturges de juillet en vous priant d'excuser la mise en page, je ne maîtrise pas vraiment.
C'est un ancien officier de l'Armée des Mots, poète hermétique, qui a ouvert le bal des transmutations de ce mois de juillet.
Par l'ajour des volets
AMOUR J'ai aperçu l' AMOUR
AJOUR Par l'AJOUR des volets
JOUR Laissant passer le JOUR. Je l'ai hélé en vain,
FOUR Dehors c'est un vrai FOUR.
FOU Sortir par cette chaleur, il faut bien être FOU,
OU Vraiment givré, OU,
OUI Dites-moi non, dites-moi OUI,
OUIE Il aurait un problème d'OUIE ?
FOUIE Cette hypothèse doit-elle être FOUIE ?
FOLIE Il est déjà aveugle, quelle FOLIE !
La Grande Muette (Emma l'Armée)
Une croqueuse de mots, initiée depuis peu à nos transmutations, a pris la suite avec JOIE.
O mon traitre AMOUR
Dans mon coeur y a un AJOUR
Qui a vu le JOUR
Tel un fou j'en JOUE
Drôle de JOIE
Bête comme une OIE
Je crie OLE
A l'autre POLE
Suis plus ton POLI
Suis plus ton JOLI
O ma JOLIE
Je m'égare dans la FOLIE...
Jill Bill
Un amateur de chatteries de mes amis nous propose ses miaulements rauques :
Le vieux matou
Le vieux matou est rongé par l'amour
Depuis qu'il a vu cette dame d'atour
Tout en haut de la plus haute tour
Inlassablement, il lui fait la cour
Mais la belle désire une perle à son cou
Et lui, modeste troubadour, est sans le sou.
Il écrit des poèmes, il écrit tout son soul,
Alors il n'aura pas de perle, il sera bien le seul.
La minette n'en a cure, elle rêve à la perle, seule,
Et dans la nuit torride, longuement elle feule.
Au pied de la tour, s'agglutine la foule ...
Un suicide : un matou victime d'une passion folle,
L'amour a encore tué, en toute impunité, quelle folie !
L'ami a-oût
L'alchimie relève aussi de la cuisine, c'est pourquoi le Capitaine des Croqueurs de Mots n'a pas hésité à nous donner sa recette.
RECETTE DE L'AMOUR A LA FOLIE
Pour trouver le Grand AMOUR
Mettez votre plus bel ATOUR
Sortez c'est enfin votre TOUR
Montrez vous au grand JOUR
Souriant et joyeux tel un enfant qui JOUE
Sans pour autant sauter à pieds joints dansles flaques et la BOUE
Vous auriez besoin du pressing bien plus que d’une BOUEE
Foncez, tête baissée mais évitez les coups de BOULE
La vie est une rivière de diamants quand elle COULE
Vous croiserez sans encombre votre destiné pot de COLLE
Perdrez raison sous la passion deviendrez une chiffe MOLLE
Vous l'emmènerez gambader dans l'herbe FOLLE
Profitez en, il court, il est court ... le temps de l'amour à la FOLIE
Une croqueuse encore, débutante en transmutation mais pas en versification, nous propose ces vers :
DE L’AMOUR A LA FOLIE
Femme veut inspirer l’amour,
Dévoile poitrine en atour,
Est-ce vraiment le bon atout,
A-t-elle songé à tout,
Il ne lui manque pas de toit,
Et danger pourtant elle voit,
Il faudrait cependant qu’elle soit,
Un peu mieux consciente du sort,
Que peut réserver homme fort,
La raison est parfois moins forte,
Elle prend plus souvent la forme,
Du chemin menant à la firme,
Ce cinéma où l’on ne filme,
Que les beautés d’une fille,
Un homme va la rendre folle,
En n’écoutant que sa folie.
Et encore une croqueuse, elle a fauté à la dernière ligne et il était trop tard ;
elle m'autorise néanmoins à publier son texte festif en précisant : "La prochaine fois,
j'essaierai de plancher sans tomber à l'eau... (J'ai fait autrefois de la planche à voile, je connais) ".
Fêter l'amour
Ou les amours
S'étant vêtue de ses atours
Pour éblouir, faire trente-six tours
Et faire passer les petits fours
Eviter que ce soit un four.
Plus d'un fou
Y accorde foi
D'autres en font une crise de foie -
Bref, amour rime avec folie *.
* Comme je lui ai dit, tu es excusée, une crise de FOIE peut entraîner une pousse d'aile centrale, une vraie FOLIE peut en résulter, sans aller jusqu'au delirium tremens.
Avec une belle économie de moyens et une gravité de propos très prenante, une habituée de ces lieux nous invite à l'écouter :
On a tout dit sur l'amour
On a tout dit sur l'AMOUR...
Nul doute qu'il ait plus d'un ATOUR
Qu'il soit notre plus grand ATOUT
Dans cette vie qui nous éloigne de TOUT...
Alors, ...en avant TOUTE !
Seule certitude sur notre ROUTE,
Dans un monde aveugle qui ROULE
Droit vers l'abîme, avec l'accord de la FOULE !
Quittons cette course FOLLE...
Et revenons à l'amour, à sa force infinie, à sa tendre et douce FOLIE.
Un doux rêveur que je connais bien a commis ce poème transmutatique en transpirant sur la rime.
Il et Elle
Il est parti à l'aventure, il est parti, rempli d'amour,
Elle l'attendait brodant, de soupir en ajour.
Il rêvait d'elle la nuit, il rêvait d'elle le jour,
Elle le voyait partout, au moulin ou au four.
Il naviguait là-bas, s'escrimant comme un fou,
Elle brûlait tellement de se pendre à son cou.
Il franchissait un gouffre, il gravissait un col,
Elle chassait les nuages et balayait le sol.
Il mangeait des gibiers et parfois une sole,
Elle grelottait de froid quand il était au pôle.
Il côtoyait des gueux, toujours noble et poli,
Elle savait que son Il était le plus joli.
Il revint une nuit, dieu qu'elle était jolie,
Elle s'offrit tout entière et c'en était folie.
Larry Mailleur
Dernière intervention
L'amour aux barres asymétriques,
c'est une folie totalement maîtrisée par une habituée des transmutations:
Le manque d'AMOUR..................................................................................peut conduire à la FOLIE.
La course aux AMOURS............................................................................................me rend FOLLE.
Dans mes plus beaux ATOURS.......................................................................je me joins à la FOULE.
C'est comme des TOURS de manège......................................................................je FEULE,SEULE.
Je grimpe à la TOUR.........................................................................................près du grand SAULE.
J'ai chaud comme dans un FOUR................................................................................alors je SAUTE.
C'est FOU......................mais avec ce SAUT,on SAIT (bien que cela AIT été un gros risque)que j'AI
soit de la chance OU..........................................................................................................AU contraire
......................................................................VU....................................................................................
que j'étais anéantie!
n.b. Vous observerez ici comment le thaumaturge a mené de front la transmutation du mot de départ et du mot d'arrivée, bel exploit, ne tenant qu'à un fil.
Et, surgie de nulle part, venant assurément du Diable Vauvert, Enriqueta, tout à fait hors délais et hors d'haleine, prise d'une irrésistible pulsion transmutatique, nous gratifie d'un texte ô combien peu réjouissant pour les passionnés de tous poils et néanmoins fleurant bon le chaudron magique. Nous lui pardonnerons deux erreurs qu'elle ne devra plus commettre à l'avenir, consistant à enlever ou ajouter une lettre ailleurs qu'en tête ou en fin de mot. Ainsi on ne peut pas passer de sot à soit ni de joie à jolie. Je sais, les contraintes sont strictes, mais le plaisir de les surmonter n'en est que plus grand.
Humain, jamais il ne te faut chercher l'amour
Mais toujours te méfier de son plus bel atour
Y résister est vraiment ton meilleur atout
Mais si tu y succombes il te prive de tout
Tu y perds ton travail, ton argent et ton toît
Et tout prêt de toi que plus personne n'y soit
Nul ne peut résister à son charme et sort
Et la Passion n'a qu'une seule issue la mort
Tes violents sentiments te privent de tout mot
Ainsi pour tous tu n'es qu'un benêt et un sot
Mais au destin soumis tu dis : "qu'il le soit!"
A l'objet de ton désir tu offres perles et soie
Mais ta vie est chagrin et tu oublies la joie
Pour un minoi, des yeux ou une bouche jolie
Tu quittes la raison sombrant dans la folie.